Bézian fait, pour moi, partie des grands dessinateurs et mériterait une plus grande audience médiatique. Regardez bien le dessin de couverture. Vous avez vu le petit garçon qui tient une locomotive électrique dans ses mains. Combien de temps avez-vous mis pour voir le personnage sur le quai d’en face ? Pouvez-vous me dire à quelle heure se déroule cette scène ? En quelle saison ? Voilà à peu près ce qui, à mes yeux, rend ce dessinateur intéressant : il va à l’essentiel. Et, mais cela me semble intrinsèque à la Bande Dessinée, établit un rapport direct -narratif- entre le dessin et le récit.
La première page donne le ton. Un personnage dans un train écoute de la musique et « l’on » nous dit ce qu’il pense et des noms de compositeurs apparaissent, ceux auxquels il pense, mais aussi ceux qu’il oublie… Et c’est seulement au bout de trois pages que l’on découvrira à l’avant dernière case que « le personnage se présentera comme détective d’une agence d’assurance trop connue pour être citée ici. Pour l’instant nous ne saurons rien de plus ». Et la case suivante précise : « Ah, si : il s’appelle Basile Far et sa barbe pousse très lentement ». Difficile de savoir exactement ce qui a pu inspirer Bézian mais pour ma part je trouve dans cette histoire des échos d’Antonioni et de Robbe-Grillet. Une ambiance particulière qui met en exergue la grisaille du paysage, la monotonie de la vie, un sentiment d’indécision, un personnage mou, faible tout à son monde intérieur… Le tout souligné par un dessin au trait fin et une mise en couleur à dominante bleu gris. C’est subtil, insidieux et l’on ne sait si c’est le paysage qui influe sur le personnage ou le personnage qui transforme le paysage. Et Basile découvre sa réalité… puis il reprend le train pour retrouver sa compagne et sa fille. Et comme dans un vieux film d’Alain Resnais (« Mon oncle d’Amérique », sauf erreur) il se souvient d’un autre film (« Maigret et l’affaire Saint-Fiacre »).
A lire d’une traite.
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One-shot
Dessinateur et scénariste : Frédéric Bézian
Éditeur : Delcourt
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