Depuis le 11 janvier et jusqu’au dimanche 16 janvier, le théâtre Saint Gervais propose un seul en scène surprenant mis en scène par Jean-Yves Ruf. Roland Vouilloz, superbe en funambule paumé, sert avec brio le texte délicat parfois fantasque et moucheté d’humour de Fabrice Melquiot. Une pépite à découvrir sans tarder !
Lueurs tendres presque crépusculaires, décor dépouillé au milieu duquel est assis un homme. Il n’est pas face au public et pourtant nous sommes accueillis, attendus. « Je ne sais pas comment c’est pour vous mais si je ne meurs pas régulièrement, ça m’encombre, j’ai des renvois, je suis pas bien. »
Déjà les premières images affluent et c’est ainsi que nous entrons chez Le Bizarre, lui qui n’entre pas dans les cases. Dans un phrasé populaire truffé d’expressions imagées, de tournures de phrases singulières, Roland Vouilloz entame son soliloque parmi les bruits de coeur palpitant et de ferraille savamment distillés tout au long du spectacle. Dès les premiers mots et par sa présence, ses mimiques touchantes, Michel nous embarque avec lui, nous entraîne dans sa vie, l’histoire de sa solitude, marquée par les morts, les fêlures mais aussi les étrangetés, les demi-sourires. On retrouve avec plaisir la plume à la fois sensible et détonante de Fabrice Melquiot qui aime tant à donner la parole à des personnages hors norme, habités par leur flamme intérieure que ce soit dans Kids ou Les Séparables.
Sans pathos et avec une grande justesse, les souvenirs fleurissent, prenant racine dans un flot de paroles très bien maîtraisé par le comédien. On écoute les temps, les silences chargé de sens. Michel raconte : « Ma soeur elle a mouru quand elle était petite, d’agonie sévère, c’est de famille, on agonise et puis on meurt et puis on agonise et puis on meurt et puis on va au cinéma et puis on mange du pop-corn et on s’étouffe et puis on agonise et puis on meurt et puis c’est la vie, c’est les cycles comme on dit. » Ce n’est pas qu’un souvenir mais un refrain, un ressac qui laisse son empreinte sur l’entièreté du monologue.
Outre les souvenirs, Michel attend la visite d’une femme, rencontrée au supermarché. Une femme de droite, adoratrice de flageolets. Elle prend vie sous les mots poétiques, bruts, sous le regard ému du Bizarre occupé à tisser un rêve peuplé de polissonneries et d’amour. Le jeu tout en demi teinte et en subtilité du comédien nous prend à bras le corps et ce qui séduit beaucoup c’est la part belle laissée à l’ambigu.
Qui est Michel au juste ? On ne sait pas bien, aucun indice ne permet de trancher, tant mieux ! Que le doute plane ! Tour à tour, le comédien explore tout un monde de nuances allant du doux dingue au carrément fou en passant par l’équilibriste un peu lunaire ou encore un amoureux de la vie, de ses images et sensations. La mise en scène légère, sobre de Jean-Yves Ruf accompagne merveilleusement le jeu en finesse de Roland Vouilloz et le résultat est là : un seul en scène réussi où l’émotion sur le fil du rasoir très bien contenue nous saisit. Précipitez-vous !
Jeu : Roland Vouilloz
Mise en scène : Jean-Yves Ruf
Texte : Fabrice Melquiot
Crédit photos : Isabelle Meister
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