On les avait laissés à Vevey en mars 2022, on retrouve Aline Guignard et Olivier Forney dans les eaux nordiques de la mer baltique. Le couple est maintenant au cœur du voyage celui dont il a rêvé avec des difficultés certes, mais avec l’essentiel, le temps rien que pour eux, une nature impitoyable et incroyable et surtout des rencontres aquatiques et terrestres, animales et humaines. Point de situation.

Quels sentiments vous animent à l’idée de reprendre le kayak dans les eaux de la mer baltique ?

Olivier : Je suis personnellement impatient de reprendre notre vie d’itinérance. Vivre au grand air est pour moi plus un besoin qu’une envie. De plus, les joies et les petits moments de bonheur qui accompagnent les bivouacs me manquent. Ceci, bien qu’à une semaine du départ, la neige ait fait son comeback !

Aline : Pour ma part, les sentiments sont multiples. Tout comme Olivier, je me réjouis de retrouver notre vie sur la « route » et de renouer avec un quotidien plus proche de la nature. Et en même temps, je me sens déjà un peu nostalgique à l’idée de quitter l’environnement dans lequel nous avons vécu ces six derniers mois.

Comment se porte le soutien à Zoé4life à ce stade ?

Aline : La collecte de fond progresse. C’est un travail de longue haleine qui nécessite de faire preuve d’imagination pour encourager les gens à soutenir Zoé4life en achetant nos kilomètres (infos sur www.chasseursdhorizon.com). La visibilité est aussi un soutien important, non quantifiable, pour l’association et la cause du cancer pédiatrique. Dans ce sens, nous avons contacté la presse orale et écrite de Gotland et avons donné plusieurs interviews le long de notre trajet, en Allemagne et en Suède. 

Olivier : Aujourd’hui, le plus important pour nous est de pouvoir sensibiliser des personnes hors de notre réseau. Ce sont ces personnes qui feront toute la différence. Un soutien de 10 CHF c’est déjà incroyable !

Vous êtes donc partis il y a une année, vous vous êtes arrêtés sur l’île de Gotland au sud de la Suède le 19 septembre 2022 pour y passer l’hiver. Quelles ont été les éléments marquants qui ont jalonné votre première partie de voyage depuis votre départ ?

Olivier : Pour ma part, l’expérience la plus riche a été le cabotage. Si, sur la carte, la mer peut sembler être une unique étendue d’eau salée, y naviguer nous montre à quel point elle est plurielle. Sa faune est variée et surprenante, comme au Danemark où nous avons pagayé au milieu de groupes de cygnes allant jusqu’à cinq cent têtes.

Les exigences liées à la navigation ont été des plus variables. La mer des Wadden, au Nord des Pays-Bas et de l’Allemagne, nous a mis face à nos limites et forcés à apprendre rapidement de nos erreurs. Si la mer est belle et enchanteresse, elle est par contre loin d’être un terrain de jeu.

Aline : Il faut dire que c’est la première fois que nous voyageons en kayaks. Il nous a donc fallu tout d’abord prendre nos marques. Les écluses du Rhin, qui sont interdites au kayak, nous ont forcés à développer des stratégies de portage. Sortir notre matériel du fleuve, le transporter à pied sur plusieurs centaines de mètres, puis le remettre à l’eau… ce fut loin d’être une sinécure ! Je crois que nous avons trouvé un certain équilibre lorsque nous avons rejoint la côte suédoise, avec ses nombreuses îles inhabitées et la loi nationale autorisant le libre accès à la nature.

Vous avez décidé de rallonger d’une année le voyage ce qui n’est pas rien. Racontez-nous pourquoi.

Aline : Lorsque nous étions dans la mer des Wadden, nous avons réalisé que nous avancions moins vite que prévu. A ce moment, le calcul était simple. Si nous voulions atteindre Luleå en septembre 2022, comme prévu, il nous aurait fallu pagayer presque tous les jours, ce qui ne nous laissait que peu de marge de manœuvre pour les imprévus ou les rencontres. Cela devenait un non-sens, notre but étant bien de vivre et non pas de pagayer.

Olivier : La vrai beauté de notre vie d’itinérance, qui à débuté en 2012, est que le temps est un luxe que l’on peut s’offrir. Il ne faut pas voir ce « rallongement » comme une année de voyage en plus, mais comme une année de plus que l’on passera entre Vevey et le Cap Nord plutôt que dans les Pyrénées, en Asie centrale ou en Afrique.

Quelles émotions vous traversent lorsque vous êtes sur l’eau dans votre kayak?

Olivier : Il y a naturellement un sentiment de plénitude et de reconnaissance envers toute cette beauté qui nous est offerte. Mais il y a également la peur, celle qui coupe le souffle et qui se doit d’être maîtrisée. Celle qui s’invite avec le gros temps ou qui nous dit : Tu as mal préparé ta navigation. Un sentiment que j’avais oublié et qui enseigne l’humilité.

Aline : Il y en a tant ! Et pour ma part elles sont étroitement liées à l’environnement ; sur l’eau, nous sommes dépendants des conditions météorologiques. Comme le dit Olivier, il y a la peur ; une mer agitée, un vent qui forcit et une côte bordée de rochers, la tension peut alors m’envahir. Par contre, une journée sans vent, sur une eau calme, dans la douceur des lumières du Nord, et c’est un sentiment de sérénité qui m’habite.

Vous avez ensuite passé plusieurs mois en sédentaires sur Gotland. Comment s’est passé ce moment et qu’avez-vous fait ?

Aline : Nous avons vécu dans le village de Klintehamn, dans une famille que nous ne connaissions pas auparavant et qui nous a accueillis durant six mois. Nous avons principalement travaillé pour l’association que nos hôtes ont créé, œuvrant auprès d’enfants défavorisés aux Philippines. L’association gère deux magasins de secondes mains pour lesquels nous avons pu mettre nos compétences à contribution. Nous avons également effectué différents travaux dans la propriété de la famille et au sein de la communauté, en fonction des besoins.

Olivier : En plus des tâches énumérées par Aline, j’ai passé deux fois dix jour dans le garage du village. Changement des pneus en automne comme au printemps. Un travail qui m’a permis de rencontrer les habitants de la région, ainsi que de financer notre aller-retour Gotland-continent. Une jolie économie lorsque l’on sait que l’on tourne avec CHF 14 par jour pour le couple, assurances comprises.

Quitter une nouvelle fois le confort d’une maison, de nouveaux amis, est-ce parfois difficile ?

Aline : A l’approche de notre départ, je me rends compte, une fois encore, que j’aime cette rythmicité. Savoir qu’il y a une fin à ce confort, à ces relations, leur offre une intensité particulière. Et si l’on quitte quelque chose que l’on apprécie, c’est aussi pour trouver un mode de vie qui répond à d’autres besoins. Alors oui, même si dire au-revoir n’est pas facile, il m’est nécessaire de passer par là pour trouver un équilibre dans la satisfaction de mes besoins.

Olivier : J’aime l’itinérance et cette dernière ne peut exister sans départ ni arrivée. J’apprécie donc l’un comme l’autre. J’aime ce contraste, ce sentiment mixte de joie de retrouver et de tristesse de quitter. Sentiment qui se vit autant au départ qu’à l’arrivée.

Quel est le programme de cette année 2023 et quels en sont les défis ?

Olivier : L’objectif de cette année est de rejoindre Luléå une ville suédoise qui se situe dans le fond du golf de Botnie en mer Baltique. Mais avant cela, nous allons traverser Stockholm et son archipel aux trente mille îles. Ensuite nous rejoindrons l’île finlandaise d’Åland, ce qui nous obligera à faire deux traversées en pleine mer de 40 kilomètres.

Heureusement, un caillou flanqué d’un phare est situé à mi-chemin. Il faudra bien préparer cette navigation et attendre une fenêtre météo adéquate. Le programme des mois blancs sera chargé. Il nous faudra rédiger le quatrième numéro de notre magazine Le Vagabond (téléchargeable gratuitement sur notre site) et construire les traîneaux qui nous permettront de tracter, sur la neige, nos kayaks de Luléå à Narvik (Norvège) afin de rejoindre le Cap Nord. Durant cette traversée, nous passerons le cercle polaire… Mais ceci est une autre histoire.

Crédit photo : Aline Guignard et Olivier Forney

Article par Joëlle Michaud

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