Je me permettrai, pour ne pas déroger à mon habitude, de trouver bien triste et redondante l’illustration de couverture… Ne pouvait-on souligner autrement que le Salinger, le sergent en question était aussi l’écrivain Jerome David Salinger (1919-2010) et faire peut-être remarquer que Charyn, l’auteur de ce livre, n’est pas un banal biographe, un banal tâcheron… Voilà donc une première curiosité. Un écrivain reconnu écrit un roman dans lequel il imagine des épisodes de la vie d’un autre écrivain reconnu. Est-ce parce qu’ils portent le même prénom ? Qui se souvient d’avoir lu L’attrape-cœurs ? Salinger est considéré comme un des écrivains les plus secrets, fermant tous les accès à sa personne jusqu’à user de la loi… et interdire toute publicité le concernant. Alors imaginer qu’un auteur raconte ses années entre août 1942 et février 1947, son amour pour Oona qui deviendra l’épouse de Charlie Chaplin, ses années de guerre et sa découverte des camps de concentration, sa rencontre avec Hemingway ! Et que le récit soit sur un ton particulier où se mêlent commentaires et transcription des pensées des protagonistes comme dans un roman. Et bien sûr une question se pose. A qui, à quoi sert de raconter cela ? Au raconté, au raconteur, comme en une sorte d’hommage pardonneur ? Mais cette fiction qui n’en est pas vraiment une se lit comme si nous ne savions rien de Salinger. Comme si le cas Salinger dépassait l’individu Salinger. Et là je pense que l’œuvre de Charyn est réussie. Il donne à lire de l’humain et se place donc dans le droit fil de l’œuvre de Salinger. Celle qui, pleine d’une érudition sous-jacente, raconte un individu unique dont le comportement dit l’universalité. Un anonyme. Profitez du Charyn pour lire le Salinger (éditions Pocket). Et je vous offre une citation. Lorsqu’on propose à Salinger d’être un prête-plume : « Je ne te demande pas de kibbitzer, d’improviser ou de trouver de nouveaux sujets. Tu poliras ce que j’ai en magasin.
– Ton Spinoza personnel…, ironisa Sonny. » (remarques : Sonny est le surnom de Jerome David et Spinoza était polisseur de lentilles).
Bonne lecture.
Le sergent Salinger
Auteur : Jerome Charyn
Editeur : Rivages
Collection : Poche
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