Feux du soir
De la poésie encore, si vous permettez. L’illustration de couverture riche en couleur s’intitule Route de Basse-Terre, date de 1934 et est signée Rohner. Oui, vous avez compris, Jeanne de Kermadec est guadeloupéenne et la quatrième de couverture la présente ainsi : « née en 1873, aujourd’hui méconnue ou oubliée, fut l’une des figures de proue de la littérature guadeloupéenne. Un prix littéraire porte même son nom. Poétesse éminente, elle ne cessa jamais d’écrire sa vie durant. Elle meurt en 1964. » La connaissiez-vous ? Personnellement je l’ai découverte avec cette édition et l’excellente présentation qu’en fait Roselle Castera…
Il s’agit d’une poésie classique en quatrains, sonnets et en alexandrins. L’alexandrin réussi et dit à haute voix donne l’impression que le récitant chante et généralement cela déplaît à l’auditeur qui entend « monotonie ». Jeanne de Kermadec est d’abord une excellente versificatrice, ses vers sont bien tapés comme l’on dit. Qu’est-ce donc qui la distingue, la différencie des autres poètes de son temps et du même style ? Je dirai deux choses… Son inspiration et sa vie. Une vie de femme forte en butte aux archaïsmes sociaux. Appartenant à la haute bourgeoisie, Jeanne tombe amoureuse d’un homme de condition moins élevée que la sienne et ses parents s’opposent à l’union. Le jeune homme se marie avec une autre mais Jeanne en fait plus tard son amant et elle se retrouve enceinte. Elle accouchera seule de jumeaux dont le garçon mourra. Elle élèvera seule sa fille et en fera un professeur des écoles. C’est de son sort et de celui des gens comme elle et de la société qui les juge dont elle parle. Elle est sans acrimonie, son amertume se dilue un peu dans la force des vers. Pour le reste c’est à son lieu de naissance qu’elle rend hommage.
« Salut terre fertile, aux ruisseaux murmurants
Coulant si frais entre tes berges gazonnées,
Tandis que des grands monts descendent, mugissants,
Les torrents s’échappant des gorges ravinées. »
Bon voyage.
Feux du soir
Auteure : Jeanne de Kermadec
Editeur : L’Aube
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