Vous n’allez pas y échapper. Un illustrateur imagine un dessin de couverture qui peut donner une bonne idée du texte et, on dira un graphiste, vient casser le dessin presque en son milieu pour glisser titre et nom de l’auteure. N’y avait-il aucun moyen de respecter le travail de l’illustrateur ? J’en entends qui murmurent à propos de mes réflexions sur les couvertures. Entre nous c’est quand même elle qui vous incite à vous intéresser au livre, non ? Vous pouvez donc admettre que l’on puisse regretter la laideur ou le manque de finesse de certaines. Peut-être aussi avez-vous remarqué que mes commentaires touchent à des livres de qualité qui méritaient nettement mieux… Ce qui est encore le cas ici. C’est un très bon livre et pas seulement parce qu’il a obtenu le « Man Booker Prize » en 2019. Ma raison est que c’est un livre vivant. D’une part, il a été écrit par une auteure de pièces de théâtre et, d’autre part, il traite de la vie.
A quelques heures de la représentation de sa pièce « La dernière amazone du Dahomey » Amma passe de son (auto)portrait à celui de neuf femmes et un trans… onze personnes de dix-neuf à quatre-vingt-treize ans. Attention, le Autre du titre n’est pas que pour le trans… Des personnes en majorité noires vivant sur cent ans en Angleterre. Premier point qui conforte l’aspect vivant du roman, la quasi-absence de ponctuation. Vous lisez d’une traite et vous comprenez de même sans le moindre besoin de relire. Deuxième point plus particulier et j’espère qu’il vous arrivera la même chose : à un moment de ma lecture j’ai constaté que j’oubliais que certaines des héroïnes étaient noires, elles se fondaient dans l’histoire, elles étaient d’abord femmes et leur vie ruisselait de vie. Avec peu l’auteure dit beaucoup : attardez-vous un instant sur l’inventaire du contenu du sac de Nzinga qui vient de s’ouvrir pour se renverser sur le sol d’une gare… Les onze sont en recherche de bonheur – pas du bonheur – et cette recherche les rend vivants. J’ajouterais pour ma part qu’il me semble que l’auteure « jubile » et aime ses personnages, nous contraignant en souplesse à les aimer aussi. Si vous aimez les films de Ken Loach il m’étonnerait que ce roman vous déplaise.
Bonne lecture.
Fille, femme, autre
Auteure : Bernardine Evaristo
Editeur : Globe
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