Est-ce que quand on aime la couverture d’un livre on aborde sa lecture avec bienveillance ? Vu mon insistance parfois à critiquer ces illustrations, il va falloir que je me surveille et que je vérifie. Pour ce qui est de ce roman, pas besoin de bienveillance, on y entre de plain-pied et avec un plaisir manifeste.
Carlo Weiss est un petit entrepreneur qui s’occupe de jardins avec un employé, Agon, – ancien enseignant exilé d’une guerre de l’Est. Ana – infirmière -, l’épouse de Carlo, l’a quitté sans dommages mais il en garde un souvenir très prenant. Leur fille Mina s’émancipe à Londres et se veut artiste. Carlo a mis Pia, sa mère fragile, en maison de retraite et elle a fait une fugue. Agon est roué de coups par deux hommes. Carlo et Ana refont l’amour dans une chambre d’hôtel à l’occasion du vernissage de l’exposition à laquelle participe leur fille. Carlo retrouve sa mère qui est hébergée dans un vieil hôtel (Grand National) où elle livrait le pain pendant la deuxième guerre mondiale. Elle y est bien connue et choyée, cela fait une bonne publicité à l’hôtel (la pension est moins chère que dans la maison de retraite). Et Carlo découvre que sa mère a eu « une vie » pendant la guerre, une vie avec les oiseaux et un officier allemand. Pia est une bonne aquarelliste.
Je pense que vous avez assez de « séquences » pour vous faire une idée. Pour ma part, j’ai eu tout le temps de ma lecture l’impression d’être en présence, avec Carlo, d’un frère de Meursault. Un de ces individus que les événements dépassent et qui ne se retrouvent jamais en concordance avec la vie. Et qui s’en accommodent, sans trop en souffrir. Ces gens qu’un destin pourrait accabler mais qui comprennent et font le dos rond. De plus, c’est terriblement bien écrit. L’auteur ne décrit, ne raconte pas tout dans le détail et pourtant, quand vous lisez, ce qui n’est pas dit vous saute à l’esprit. Comme si l’espace entre les phrases et les mots se remplissait de ce qui n’est pas dit. On lit entre les lignes une vie affective poignante. Celle d’un homme banal entouré de gens exceptionnels ou qui lui donnent l’impression de l’être. Du grand art.
Bonne lecture.
Je sais, vous aviez déjà lu ce qui précède. Je parle pour certains car je suis sûr qu’il y a des nouveaux qui n’en savaient rien. Cet ajout est à l’occasion de la sortie en poche (n°114). Le livre est augmenté d’une postface de Claire Jaquier. D’ordinaire, vous le savez, je n’aime guère ce qui a pour vocation d’expliquer au lecteur ce qu’il va lire ou a lu. Là, il me semble que cette postface fait un très bon écho à ce que je crois avoir lu… ce dont je ne peux que me réjouir. Ce qui ne peut que vous inciter à lire et à vérifier par vous-même ce que j’avance… Et si par hasard vous êtes d’accord nous attendrons tous le prochain Buti avec impatience. Bonne lecture.
Grand National
Auteur : Roland Buti
Editeur : Zoé
Collection : Poche
Laisser un commentaire