Édition établie par Pascal Fouché, avant-propos de François Gibault. On supposera que ces deux personnes connaissent bien l’œuvre de Céline. Vous devez me connaître un peu et savoir que je n’aime guère les avants-propos. Là j’ai une raison supplémentaire de ne pas apprécier celui-ci. Céline, on le sait, fait partie de ces auteurs à polémiques. Il a obtenu le prix Renaudot pour Voyage au bout de la nuit (qui rata le Goncourt de deux voix, le livre est traduit en trente-sept langues) mais il est aussi l’auteur de livre outrageusement antisémites. Et l’on débat régulièrement de la séparation entre l’homme et l’œuvre. Or l’avant-propos ici rapproche ce qui est écrit et ce qu’a vécu l’auteur. Je me permettrai de penser que raconter son vécu n’est pas créer. Et pourtant, si vous ouvrez ce roman au hasard, vous y trouverez de la vraie littérature. Une écriture incomparable. On a dû vous dire que Céline écrit comme il parle. Et bien essayez de parler comme il écrit ! Il y a le rythme, les mots, les apocopes nécessaires et pourtant on sent que c’est écrit, que c’est stylé. On sent mais cette sensation est noyée dans ce qui est raconté. Un flot nous emporte et l’on surnage en se raccrochant à des images fortes. Bien sûr, c’est inachevé, il manque des morceaux… Je crois me souvenir que Céline écrivait par morceaux, par séquence de texte dont il attachait les feuillets avec des pinces à linge (cf les pages 238, 239, 257 de l’album de la Pléiade consacré à Céline). On se doute que l’œuvre achevée aurait eu une autre tenue. Qu’on le veuille ou non, Céline fait partie des grands écrivains qui, non contents de renouveler la langue, maîtrisent l’art du roman. On notera que Céline était médecin. Je vous offre une citation, Céline parle des parents du personnage principal : « Ils ne concevaient pas ce monde d’atrocité, une torture sans limite. Donc ils le niaient. L’envisager seulement comme un fait possible leur faisait plus horreur que tout. ».
Bonne lecture lente, voire hachée.
Guerre
Auteur : Louis-Ferdinand Céline
Editeur : Gallimard
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