Rythmée, puissante, truffée de répliques bien tournées qui font mouche, la création Chaplin 1939 écrite et mise en scène par Cliff Paillé capture Charlie Chaplin dans un moment crucial de sa carrière : il est en pleine écriture de son premier film parlant, le dictateur. Apparait alors le visage d’un Chaplin qui émeut, amuse, surprend. Ainsi pris dans son intimité, il se dévoile, tantôt enflammé par sa conviction de devoir créer « un art qui déplace les certitudes », tantôt vulnérable. Servie par un trio de brillants comédiens, cette pièce est d’une intelligence et d’une délicatesse rare. Romain Arnaud-Kneisky nous parle de son approche dans l’interprétation de Chaplin. Restez en ligne !
Comment s’est monté le projet ?
Cliff, que j’ai connu sur d’autres projets, a écrit cette pièce au terme des trois mois de confinement. Je l’ai lue et ça m’a beaucoup plu. Comme il y avait beaucoup de scènes de Charlot et que ce n’est pas du tout le même jeu, on est parti du fait que Chaplin était en travail. Ce qui m’a permis d’esquisser, de me tromper et j’ai toutes les possibilités pour faire ce que je veux. Et Chaplin on ne le connait pas à cet âge-là, on a très très peu de vidéo de lui au niveau personnel.
Qu’est-ce qui vous a séduit dans le personnage ?
Au départ, c’est le fait qu’il soit le monstre du cinéma, un des artistes les plus talentueux de sa génération. Il est assez controversé aussi, on connait son rapport aux femmes, à ses employés ; c’était très difficile de travailler avec lui. Mais il a apporté tellement au cinéma et à l’art en général avec la musique, le mime et il touche à l’enfance. On ne trouve plus trop ce genre de choses maintenant. Et même si certaines choses semblent datées, il reste d’actualité. Il y a du génie derrière, un génie un peu cassé, on sent une grosse fêlure et je trouve intéressant. Il a quelque chose de plus touchant que la plupart des autres artistes.
Quelles étaient vos craintes pour ce rôle ?
Souffrir la comparaison était impossible. Je n’ai ni son bagage ni son génie. Je ne peux pas faire Charlot par exemple, c’est un métier différent du mien. J’ai eu des appréhensions pour le dernier monologue aussi qui est extrêmement difficile parce qu’il doit être touchant sans être larmoyant ; et ce dosage j’ai mis à peu près quarante représentations à le trouver.
Comment s’est passé le travail de mise en scène ?
Pour certains passages, Cliff savait précisément ce qu’il voulait au niveau du rythme, de l’espace. A côté de ça, il y avait des passages où il avait besoin de nous. Rien n’était noté d’un bout à l’autre et devait être respecté très précisément. C’était un travail conjoint fait à la fois par lui et sur nos propositions. Une clown a travaillé sur le projet, j’ai aussi suivi un stage de mime donc avec tous ces gens-là, on a construit des micro histoires qu’on a placées.
Qu’est-ce que vous pensez avoir apporté au personnage ?
Michel Bouquet disait : « quand vous construisez un personnage, il faut qu’à n’importe quel moment, on ne se doute pas de la facette qui va arriver derrière ». J’ai essayé de l’appliquer avec Chaplin. Au départ, il est farceur, parfois méchant, ensuite aigri, méprisant, moqueur, seul face à lui-même… l’idée c’est de jouer sur plein de couleurs très différentes.
Il faut que le public soit surpris, autrement, s’il voit venir les choses ce n’est pas très intéressant ! Je pense que j’apporte du corps aussi. Je l’imagine moins candide que moi donc peut-être que j’apporte de la candeur également.
Est-ce que c’est un rôle qui vous a appris des choses sur vous ?
Oui assez. Déjà parce que c’est un rôle sur un comédien, sur un créateur. Evidemment, je n’ai pas le même niveau d’exigence que lui mais je le suis quand même. Ça m’a appris, non pas à l’être moins mais à être plus doux avec cette exigence-là.Et puis, j’ai un rapport à l’énergie du rire qui est assez similaire au sien.
La pensée de la fin
Sur scène, c’est important de ne pas se déverser, il faut garder le rythme et ne pas perdre de vue que c’est au public d’avoir des émotions, pas nous. C’est lui qui doit croire que je suis Chaplin. Si on commence à s’y croire un peu trop, c’est la fin du spectacle !
Jeu : Romain Arnaud-Kneisky, Alice Serfati, Alexandre Cattez.
Texte et mise en scène : Cliff Paillé, assisté de Sophie Poulain – Lucernaire Diffusion
Credit Photo : Philippe Rappeneau
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