Judge Dredd est un (super-)héros mal connu, mal aimé et totalement incompris en dehors de la perfide Albion. Assimilé à un gros fasciste avec, il faut le dire, des reflets tout à fait explicites dans sa visière de casque, comme pour souligner cet état de fait. Il faut dire que les juges comme Dredd ont tous les pouvoirs depuis l’échec et la chute de la démocratie. Ils officient dans d’énormes mégapoles, traquent le moindre délit pour le sanctionner immédiatement (de façon disproportionnée, à nos yeux de lecteurs du 21e siècle) et applique la condamnation tout aussi spontanément qu’elle est prononcée : la solution idéale pour désengorger les tribunaux et réduire les délais !! Mais tous ces pouvoirs concentrés dans les seules mains d’un simple humain, aussi bien formé soit-il, peut entraîner une dérive ingérable….
Dans ces Origines du juge le plus célèbre du Royaume-Uni, Dredd doit partir en expédition dans la Terre Maudite. Ce désert d’irradiation, vestige de la dernière guerre nucléaire mondiale, est peuplé de mutants déformés dont certains sont une menace permanente pour Dredd et ses collègues. Leur quête les mènera sur les traces du premier juge suprême, le juge Fargo père-fondateur du système de justice moderne, pris en otage alors qu’il devrait être mort et enterré.
Qui ne connait pas le célèbre héros anticonformiste, aux deux adaptations cinématographiques inégales, trouvera ici une excellente introduction au mythique « homme-robot » sans visage. L’humour « so british » de cet univers post-apocalyptique hyper-régulé est distillé avec finesse, rappelant bien plus Demolition Man du même Sylvester Stallone que l’adaptation où il commet l’irréparable après quelques minutes : il ôte le casque… Car Dredd est la justice aveugle, celle qui condamne sans discernement le contrevenant tout aussi anonyme que lui. Demolition Man (voire le Robocop original, l’humour en moins, mais les grincements de dents de l’anti-politiquement correct en plus) est la réelle première adaptation de ce juge qui n’a jamais réussi à percer en France alors que sa première publication francophone a près de 30 ans. Delirium remet le couvert de façon intelligente, qu’on espère cette fois être la bonne. Ce volume est inédit, permettant au fan de la première heure de redécouvrir les racines de Dredd tout en étant une excellente première lecture pour le néophyte. Choisir Carlos Ezquerra au dessin, s’il n’est pas le meilleur qui ait œuvré sur cet incontournable anglais du « comics », a le mérite de permettre à son créateur graphique de s’exprimer sur les fondations mêmes du mythe. Les couleurs, par contre, si elles collent au style actuel d’Ezquerra qui semble être passé à la tablette graphique, sont très (trop) flashy. Mais c’est bien le seul défaut de cette excellente première publication du controversé juge aux éditions Délirium, dont tout fan souhaite qu’elles continuent leur travail patrimonial ! En tout cas, il faut soutenir cette heureuse initiative !
Judge Dredd Origines
Dessinateur : Carlos Ezquerra – Kev Walker
Scénariste : John Wagner
Éditeur : Delirium
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