La compagnie Premier Acte réussit le pari de redonner vie aux personnages d’Andersen et de Victor Hugo dans une atmosphère cinématographique, balançant entre poésie et rudesse. Un véritable plongeon dans un autre repli du temps que j’ai beaucoup apprécié.
Dès les premiers instants, j’ai été happée par cette ambiance particulière marquée par le froid mordant et la désertion des rues. C’est dans ce contexte que va se nouer une rencontre. En cette veille de Noël, la neige tombe et ces deux gamins, livrés à eux-mêmes, à la rue et ses hasards, font connaissance.
Deux orphelins mais surtout deux personnages à la destinée fatale, la petite marchande d’allumettes d’Andersen et Gavroche de Victor Hugo, ici réunis juste au moment où la mort s’apprêtait à cueillir la fillette. Le récit qui aurait dû s’achever sur cette image s’ouvre au contraire sur une nouvelle histoire qui se déroule sous nos yeux.
Peu à peu, entre chicaneries, interrogations et espiègleries, des liens se tissent, une complicité teintée d’admiration et de curiosité finit par se forger entre les deux enfants abandonnés. Le jeu des comédiennes est d’une grande justesse, sans pathos excessif, tout y est parfaitement dosé, senti et authentique. C’est ainsi que jaillit une très forte émotion pour le public.
Par ailleurs, la présence et la voix profonde de la conteuse concourt à renforcer la dimension du conte et m’a donné l’impression de parcourir un livre ouvert dont les personnages auraient surgi pour faire entendre leur propre voix et leur vécu.
D’abrod timorée et mal assurée, la fillette, au contact de Gavroche, débrouillard et vif comme « une mouche », développe petit à petit de l’assurance. On assiste à ses changements de postures, sa voix s’affermit et bientôt, elle se laisse gagner par la fougue du garçon.
Quant à lui, on le sent hésiter entre l’envie de la secouer, de la provoquer et celui de la protéger. Puis, la posture de l’enfant assorti de la narration de la conteuse laissent entrevoir l’attachement grandissant qu’il éprouve pour sa camarade qui essuie les mêmes revers que lui.
Un spectacle aussi émouvant que profond que je garderai longtemps à l’esprit par sa nature résolument photographique. Il laisse dans son sillage des images marquantes. Je me souviendrai de quelques tableaux et arrêts sur image ; par exemple de cette neige tournoyante comme une camarade de jeu invitée à l’improviste avec laquelle nos deux gamins s’amusent.
Mais parfois la neige prend le visage d’une menace sourde et rampante, celui de la mort qui rôde et d’autre fois encore, elle devient la composante d’une poésie toujours en éveil semblable à la larme gelée de la fillette.
Je me souviendrai également de cette superbe complicité qui relie ces deux enfants si seuls au monde et forts en dépit de tout, animés par la rage de poursuivre l’aventure, résolus à faire un croche-pied au destin tragique qui était écrit, « parole d’honneur » ! Longue vie à ce magnifique spectacle !
Pour en savoir plus : Compagnie premier acte
Jeu : Déborah Lamy, Inès Plancher et Alice Perrier
Musiques : Gilbert Gandil
Lumières : Laetitia Bonnet
Texte et mise en scène : Sarkis Tcheumlekdjian
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