Enquête Ethno-graphiqueDurant deux ans Didier Fassin a eu l’opportunité de suivre le quotidien d’une BAC (brigade anti-criminalité) d’une banlieue parisienne. Bien loin des décors de cinéma ou de séries policières, l’ennui des agents, l’incompréhension des habitants, la pression de faire du chiffre politiquement correct et la réalité d’une violence crasse, emporte tous les jours un peu loin ces quartiers mal-aimés de la bordure de la capitale célèbre. Un engrenage terrible de violence, de nationaliste et de désillusions qui creuse la tombe d’une humanité dépossédée de son identité.
Une enquête sociologique autant qu’anthropologique qui fait date dans la compréhension et dans le constat sans jugement d’une minorité sociale en phase d’être une majorité sonnante. Des images et des témoignages utiles pris sans filtre autant en patrouille, qu’en salle de repos et dans des échanges intimes au gré de l’attente d’un flagrant délit. Il n’est sans doute plus nécessaire de le démontrer, mais les questionnements et le désabusement sont similaires de part et d’autres d’une frontière érigée par les différents gouvernements. La discrimination toujours plus intense, la dépréciation d’un travail apporte une tension inexorable et qui semble interdire toute évolution positive. La question de la police, ses dérives, son rôle premier, son rôle effectif édicté, les conséquences de tout cela sont autant de maux que les populations n’ont pas forcément vu venir. En tous cas, personne ne compte endosser la responsabilité de l’image que la police actuelle véhicule que ce soit malgré elle ou en toute conscience. Cette situation laisse hélas un trou juridique réel quant aux exactions discutables des représentants de l’ordre. L’ampleur de cette image de violence quotidienne et systématique, qui n’est comme toujours que le résultat de comportements portés par une minorité, force à engluer les rapports de confiance presque totalement morts aujourd’hui entre les policiers et la population. C’est tellement encré dans les esprits, que le réflexe de cette déconsidération a dépassé depuis longtemps les frontières des banlieues parisiennes. Désormais la police n’est plus qu’une exécutante du gouvernement en place au détriment de son rôle de médiation premier.
Côté graphique, les couleurs sombres choisies reflètent parfaitement l’état d’esprit général des troupes et l’ambiance de travail. Très rapidement le lecteur se surprend à aller au-delà de la bande dessinée pour atterrir dans le documentaire d’investigation malgré une volonté d’observation. Cet ouvrage donne la possibilité d’ouvrir une fenêtre cassée, de prendre une photo sur un exemple triste de la police française spécialisée dans la prévention de crimes qu’elle induit et crée plus qu’elle ne solutionne. L’avenir de la sécurité en est grandement avorté de fait. Chacun sera juge.
Editions : Seuil Delcourt
Auteurs : Fassin/Debomy/Raynal
Laisser un commentaire