Jusqu’au 19 février, le Loup remet au goût du jour Labiche avec Le prix Martin, pièce oscillant entre le vaudeville et les complexités de l’amitié. Au menu : situations rocambolesques, sous-texte croustillant, quelques épices venues d’ailleurs sur lit de neige. Un savant mélange que la mise en scène de Nathalie Cuenet a bien su exploiter.
Tous les ingrédients sont réunis pour faire de cette pièce un vaudeville classique : le mari Ferdinand Martin, l’amant et néanmoins ami du mari Agénor Montgommier et la femme Loïsa. On s’attend aux portes qui claquent, au chassé-croisé, aux parties de cache-cache.
Il n’en est rien et on le comprend très vite. Flaubert lui-même a qualifié cette pièce de « bijou ». Et pour cause : la trajectoire de l’histoire prend un virage intéressant avec la venue pétulante du cousin sud-américain, Hernandez Martinez.
C’est ce dernier qui donnera une nouvelle impulsion à la pièce.
Découvrant l’infidélité de Loïsa en même temps que Ferdinand, le fougueux Hernandez somme séance tenante son cousin de concocter un plan pour se débarrasser du gêneur. Et quel cadre plus idéal que celui de La Handeck en Suisse ?
Quittant alors la problématique du triangle amoureux, l’histoire bascule vers l’hypothèse du meurtre, sa concrétisation et son cortège de luttes intérieures et morales pour dégager une dimension plus profonde à la pièce. Au fond, cette perspective n’enchante pas le mari. Certes, la vengeance le mine mais perdre un ami l’attriste davantage malgré la pression exercée par Hernandez. Me vient à l’esprit la chanson d’Henri Garat « Avoir un bon copain » écrite en 1930 « Car un bon copain, c’est plus fidèle qu’une blonde. » Ferdinand est touché dans son ego mais le meurtre…est-ce vraiment une solution? Je n’en dirais pas plus.
Le rire vient plus souvent du jeu des comédiens qui n’y vont pas avec le dos de la cuillère; faisant écho à l’adage que j’ai toujours entendu au théâtre : « Jouez à fond ou ne jouez pas du tout. » Ici, pas de demi-mesure donc avec des retrouvailles entre cousins très sautillantes, un mal d’estomac palpable, la cavalcade très bruyante des jeunes mariés très expressifs, une hilarante partie de cartes entre le domestique et l’aubergiste. Mentions spéciales pour l’apparition de l’hôtelière bien dodue à l’accent suisse-allemand à couper au couteau ainsi que pour le jeu de Thierry Jorand dont la présence est remarquable.
Voici donc une pièce qui se savoure comme un mille-feuille. La superposition de plusieurs couches d’intrigues et de questionnements, les scènes chantées, les changements d’atmosphère, font toute la singularité de cette comédie qui ne peut pas laisser indifférent tant les rapports à l’amitié et à la vie conjugale sont actuels. Spectacle à l’affiche jusqu’au 19 février, ne le manquez pas !
Jeu : Felipe Castro, Etienne Fague, Jean-Paul Favre, Thierry Jorand, Julia Portier, Christian Scheidt, Barbara Tobola, Adrien Zumthor
Texte : Eugène Labiche
Mise en scène : Nathalie Cuenet
Crédits photos : Carole Parodi
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