« Tu verras, cette comédienne, c’est un OVNI. » me promet Annick Gambotti la directrice de la Compagnie Thalie. Une bande-annonce qui promet une belle trouvaille…
Les lustres éclairent encore le théâtre lorsque surgit cette drôle de fille aux longs cheveux noirs qui aborde les spectateurs dans une langue inconnue. Dans le public, on balance entre perplexité et amusement. On ne sait pas quand le jeu a commencé mais déjà, on se laisse prendre par le bras comme dans une danse.
L’éclairage faibli, le seul indice pour nous que le jeu est en cours. La femme de ménage s’énerve à présent dans cette langue expressive mais incompréhensible pour nous. Un prénom en leitmotiv, celui de Roméo.
Soudain, entre seau, chiffon et balai-brosse, c’est la culbute, patatras, court-circuit. Et notre femme de ménage qui parle français.
Rêves, tourments, envies, elle se prend à jouer, à incarner. Bientôt, elle fait corps avec l’esprit de Willy. Il a plané d’abord, rôdé pour occuper chaque pore de sa peau. Oui, il est bien question de Shakespeare et tour à tour, ce sont ses plus grands personnages qui se dévoilent là où on ne les attend pas, là où on ne pensait jamais les trouver. Pourtant, ils naissent, jaillissent entre deux pas de danse, deux vocalises, deux éclats de rire déjantés.
Adieu, la femme de ménage.
On s’attendrait presque à trouver sa mue à terre. Désormais, c’est tous les personnages qui l’occupent. Mais on ne les voit pas arriver : ils nous cueillent sans transition. Impro ? Impulsion ? D’un geste, la moitié du visage tartinée de pâte à la noisette et voici Othello. De l’autre, Desdémone. On joue à pile ou face. S’ensuit un dialogue délirant entre eux. Belle image que ces deux créatures en lutte appartenant à un même corps.
Et les images se cueillent à main nue parmi cette myriade de personnages. Il y a celle de Richard III. Dans le noir, l’éclat ambré de sa couronne éblouit. Plus tard, l’ombre démesurée du roi se détache sur le mur comme sa soif d’exister. De temps à autre, le nom chéri revient flotter comme un souvenir, comme une plainte, douce et amère. Roméo, Roméo…
L’écriture du texte, fluide, sobre, parfois ponctuée de traits d’humour subtils est servie avec justesse et montre le talent résolument protéiforme de l’artiste. Aussi à l’aise en équilibre sur un manche à balai délaissé qu’à changer d’émotions en un battement de cils, Aurélie Imbert nous affole, nous trouble, nous surprend, nous amuse par ses éclats de rire soudains, sa présence, ses mimiques aussi folles qu’expressives qui, saisissent la vérité du moment, la beauté d’un jeu sincère sans fioriture.
Willy doit être fier !
Mise en scène et texte : Aurélie Imbert
site de la Compagnie Thalie
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