On supposera que vous avez suivi mes conseils et que ceux qui me lisent ont dévoré au moins un San Antonio/Dard et ne sont plus choqués, outrés par une certaine vulgarité/grossièreté. Vous êtes capables d’en apprécier l’usage à bon escient quand l’auteur est un homme mais quand il s’agit d’une auteure, qu’en est-il ? Vous pouvez entrer directement dans ce roman ou vous familiariser avec la crudité du langage en lisant par exemple « Outrage et rébellion » de Catherine Dufour (Denoël). Et surtout ne considérez pas que l’usage ce genre de langage relève de l’exercice de style, du désir de faire « joli » si l’on peut dire. Il relève surtout du réalisme le plus radical. Celui qui permet de dire ce que l’on ressent sans avoir l’impression de faire des concessions au bon goût. Pour ce roman, faites très attention, il est écrit à la première personne et l’on sait qu’il est facile, au bout d’un certain nombre de pages, de se prendre pour le Je qui raconte. Là je pense que vous aurez plutôt tendance à prendre fait et cause pour celle qui raconte sa relation avec ses parents, certaines de ses connaissances.
Si je vous dis que l’auteure présente une série de séquences qui mettent en évidence l’ivrognerie du père et la cruauté de la mère folle, ou l’égoïsme naturel de beaucoup d’individus, je ne vous donne que les ingrédients sans la recette qui amène le goût, la saveur du plat. Il faut accepter de partager la violence subie. Je ne vous donne qu’un exemple : la mère demande à la petite fille si elle voit l’avion dans le ciel, la petite fille répond non, la mère repose la question jusqu’à s’énerver et flanquer une gifle magistrale à sa fille… Ce sera l’occasion de constater que la petite est myope… Je ne vous propose pas d’exemple du comportement du père, il vous faudra le découvrir au détour de phrases courtes, nerveuses et sèches – comme des directs du droit ou du gauche -, hargneuses parfois. Justine Niogret vous impose par son style et ce qu’elle décrit sa revanche sur la vie. Et vous pouvez retrouver la même passion dévorante, la même rage de vivre dans sa série « Chien du Heaume » (J’ai Lu).
Bonne lecture.
Le syndrome du varan
Auteure : Justine Niogret
Editeur : Seuil
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