LES FRERES RUBINSTEIN – Destin tragique !

Dans ce récit, deux frères : Salomon et Moïse ont eu un parcours de vie différent. L’aîné a abandonné très tôt ses études pour mettre en avant des capacités humaines. Débrouillard et empathique, il s’est fait engager comme aide-soignant et s’est occupé de la fille non-voyante d’un ingénieur local. Le cadet, Moïse, plus timide mais cultivé a fini premier de sa promotion et a fait honneur à sa famille. Il est en passe de recevoir un prix universitaire et un contrat de travail. Malheureusement, la cérémonie ne se passe pas comme prévu. Par racisme et favoritisme, les propriétaires de la cité minière Lambertin ont préféré élire leur petit-fils comme cadre d’entreprise, alors que celui-ci était moins compétent que Moïse. Désirant venger cet affront, Salomon a la mauvaise idée de menacer le futur patron durant la soirée. Ce comportement inadéquat sera lourd de conséquences. Accusé à tort d’agression physique, le jeune homme est recherché par les ouvriers de la cité industrielle qui n’hésitent pas à s’en prendre également à sa famille…

Parus en août et en octobre 2020, en pleine pandémie de Covid-19, les tomes 1 et 2 des Frères Rubinstein nous font découvrir l’histoire d’une famille juive du nord de la France. Le troisième tome sorti un an plus tard complète la trilogie. Le décor de ces premières BD n’est autre que la sombre période des années 1937 à 1948. Ces albums magnifiquement illustrés présentent les personnages principaux avec compassion et sincérité. Très sombre cette trilogie met en évidence la naissance du fascisme en Europe et l’antisémitisme ambiant des années trente. Pour toutes sortes de raisons futiles, les autorités et la population s’en prend aux familles d’origine juive. On les accuse de tous les maux et on ne peut rester insensible en lisant l’horreur des attaques menées à leur encontre.

Les deux frères vont devoir faire preuve de courage, patience et d’abnégation pour s’en sortir dans un monde qui les rejette puis les persécute. Salomon sera toujours en cavale, lui qui ne se laisse pas faire. Son crédo vaincre l’injustice par la violence. Moïse, quant à lui, usera de ses connaissances et de sa réflexion pour échapper au pire. L’odyssée des deux frères se poursuit dans le deuxième épisode dans un Paris gangréné par le fascisme et un camp d’extermination polonais, où chaque instant résonne comme un écho entre passé et avenir. Le troisième volume de la série raconte la partie américaine de leur vie, lorsque les deux frères se côtoyaient dans les clubs d’Outre-Atlantique en quête de gloire et d’Hollywood.

Cette fresque historique ambitieuse sur les périodes précédant et durant la Shoah est une construction scénaristique de précision servie par une grande générosité graphique. Au scénario nous trouvons le bédéiste Luc Brunschwig, né le 3 septembre à Belfort. Titulaire d’un DUT de publicité et communication et passionné de BD, le français admire les techniques narratives de Frank Miller et d’Alan Moore. Lecteur assidu de comics, son univers est futuriste et très noir. En 1989, à l’occasion d’un carrefour de l’Illustration du livre pour enfants, l’auteur a rencontré Laurent Hirn avec lequel il a créé Le Pouvoir des Innocents, un étonnant thriller de politique-fiction en cinq épisodes, dont le premier tome a été nommé dans la catégorie Alph-Art du scénario à Angoulême. Luc a mené de front deux autres séries, un récit psychologique : L’esprit de Warren et une histoire fantastique : Vauriens. Il a également signé deux nouvelles séries : Urban Games et Angus Powerhill. Au dessin nous avons, Etienne Leroux un Malgache qui réside en Indre-et-Loire. Après avoir quitté le lycée pour entrer aux Beaux-Arts, l’illustrateur s’est lancé dans la bande-dessinée. Influencé à la fois par des dessinateurs américains comme Corben et franco-belges comme Jijé et Franquin, Etienne a voué une grande admiration à Moebius. Il a monté depuis quelques années un atelier de dessin à Tours où il est également enseignant. Le plus connu de ses nombreux albums est la série 14-18 qu’il a réalisé avec Corbeyran. Loïc Chevallier complète le trio. Ce dessinateur et coloriste s’est formé aux arts graphiques à l’école Brassart de Tours. Il a dessiné deux tomes de la série Kenji le ninja puis a travaillé en tant que coloriste sur les adaptations en BD de La quête d’Ewilan. Parrain depuis 2016 du concours Bulles de Mémoire, Loïc a également réalisé les décors de la série 14-18 en BD.

Les trois premiers Tomes des Frères Rubinstein allient scènes tragiques et passages historiques. L’histoire est intéressante mais le sujet est déprimant. Un quatrième volume de la série verra le jour cette année.