De la fin des années 1980 au milieu des années 1990, « Les Inconnus » étaient sans conteste parmi les meilleurs humoristes de leur époque. Talentueux et engagés, ils faisaient rire, mais ne le faisaient pas pour rien.
Non contents de posséder une véritable force comique, ils mettaient leur jeu débridé et leur écriture affutée au service d’un regard incisif sur la société et leurs contemporains. Pourtant au summum de la réussite, ils se séparent juste après avoir réalisé leur premier film à cause d’un différend juridique avec leur manager Paul Lederman.
Gros succès de l’année 1995, « Les Trois Frères » est certes une bonne comédie, mais ne se révèle jamais à la hauteur des prestations scéniques des Inconnus, tant dans l’efficacité de l’humour que dans le discours qu’il véhicule. Entre autres problèmes, le goût du trio pour l’excès ne réussit pas toujours bien son passage des planches à l’écran.
L’impasse dans laquelle les menait leur brouille avec Lederman les forçant à se séparer, les trois compères poursuivent tant bien que mal leurs carrières chacun de leur côté et ne se retrouvent qu’à l’occasion de quelques films aussi dispensables les uns que les autres. L’an dernier, ils annonçaient officiellement la reformation du groupe à l’occasion de l’écriture de la suite des Trois Frères.
Le douloureux souvenir des « Bronzés 3 » témoignant encore aujourd’hui de la difficulté de ce genre de retour, et la carrière cinématographique des Inconnus n’ayant jamais été aussi convaincante que celle de l’équipe du Splendid, on pouvait légitimement craindre ces « Trois Frères 2 ». D’ailleurs, comme ils l’avouent dans le making of du film, Bourdon, Campan et Légitimus eux-mêmes doutaient de la pertinence de cette suite, allant jusqu’à se demander s’ils n’étaient pas trop dépassés pour revenir. Et hélas, si les intentions sont bonnes et tout à fait sincères, le résultat terriblement attristant.
Vaine tentative de remake, ce second opus suit paresseusement la même structure que l’original sans jamais égaler la qualité toute relative de son modèle. Le propos évolue à peine et est tout juste agrémenté d’un ou deux discours critiques légèrement à la ramasse (sur les banques et les assurances, sur la téléréalité) et de quelques tentatives de modernisations tombant pour la plupart à plat (le garçon du premier film remplacé par une fille des cités caricaturale). Certes, par instant, on croit presque retrouver le rire d’antan, mais les rares vannes qui font mouche se trouvent être des reprises pures et simples d’éléments du précédent épisode (Bourdon et Campan complètement stones) ou alors déjà vus ailleurs (les gags visuels des affiches publicitaires).
La complicité entre le trio est évidemment visible à l’écran et peut se révéler sympathique voire touchante, mais ça ne suffit pas. La pertinence du regard et la hargne des origines ne sont plus là. La mise en scène sans ambition et l’interprétation souvent approximative du reste du casting achèvent quant à elles de faire de cette suite une expérience forcément déceptive. Passé son excellent démarrage, le film a d’ailleurs vu ses entrées baisser net dès sa seconde semaine d’exploitation.
On rêvait d’assister au retour triomphal des artistes qui nous ont livrés des sketchs aussi drôles et justes que ceux des « Pétasses », des « Branleurs », du « Cid », de « Télémagouilles », du « Bistro » et de « La Révolution Française ». Malheureusement, ce nouveau film ne semble être l’œuvre que de trois amis heureux de se retrouver, mais qui n’ont plus grand-chose à raconter…
Thibaud Ducret
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