L’Europe a été fondée bien plus tôt que dans notre monde, la Grande Guerre n’a jamais eu lieu. Tel le symbole de ce monde en paix, Metropolis (plus proche de celle de Fritz Lang que de celle de Clark Kent) a été bâtie au cœur d’un continent apaisé. L’élégant inspecteur Faune, premier citoyen de Metropolis et travaillant au Contrôle, et l’instable Commissaire Lohmann, le héros qui captura le tueur en série M, doivent faire équipe. Il leur faut résoudre le mystère des 3 cadavres découverts sous la tour symbole de Metropolis, suite à un attentat multiple. Leur enquête les mène à croiser le docteur Freud, Loulou, Albert Einstein, Winston Churchill et même Adolf Hitler, pas forcément dans les rôles qu’ils ont eu dans notre réalité… Mais Le Secret, la police secrète de Metropolis celle qui contrôle le Contrôle, veille au grain n’hésitant pas à intervenir directement auprès de Faune pour habilement orienter son enquête. Et qu’en est-il de ces mystérieuses hallucinations qui ne semblent toucher que Faune ? Immeubles qui changent, statue de guerre inexistante, circonvolutions corticales dans le décor…. Et si le mystère était aussi double que l’enquête elle-même ?
Double, voici le maître mot. Double hélice qui est le cœur de nos machineries cellulaires, double est l’escalier qui mène au morbide caveau, double est la personnalité de Lohmann, double est la direction de Metropolis, double, double, double, double, …. Un mot qui pourrait bien nous pousser à la folie lors de cette lecture (double, évidemment, car il faudra relire pour tout bien comprendre) de cette somptueuse tétralogie (quasi wagnerienne) signée Lehman et De Caneva. Le dessin et l’encrage de Stéphane de Caneva fait merveille pour dépicter toute l’expressivité de la mégapole elle même, tout comme les nombreux personnages la peuplant. Le scénario de Serge Lehman est indescriptible, les couches narratives se superposent pour proposer au lecteur une fin multiple, libre à lui de s’arrêter où bon lui semble. La question posée étant, à mon humble sentiment, la personnalité d’un homme, fusse-t-elle monstrueuse, est-elle fonction de son environnement ou de sa nature même ? Évidemment le lecteur dispose des clefs de ses propres connaissances de l’histoire et de la fiction de son monde réel (dont ne dispose pas l’inspecteur Faune), il se retrouve ainsi propulsé au cœur même de l’intrigue, tel un récit commençant par sa résolution. Les références de Serge Lehman sont souvent nombreuses (parfois trop), mais cette fois il nous régale en nous permettant en annexe d’identifier à minima les acteurs réels de cet opéra de papier parallèle. Comme tout ne doit pas être expliqué, le lecteur devra faire marcher son cortex cérébral pour conclure à sa propre interprétation de sa lecture. Metropolis est donc bien plus qu’une Bande Dessinée, bien qu’elle puisse se limiter à cela en première lecture, son appréhension totale (si elle est possible) nécessitera un effort supplémentaire (au moins une relecture de toute la série, comme déjà évoqué plus haut) pour notre plus grand bonheur. Les lectures faciles sont si communes, celles plus profondes si rares et celles qui nous cultivent agréablement et intelligemment sont indispensables, Metropolis est de cet acabit-là ! Et alors, quand la conclusion est à la hauteur des promesses, que demander de plus !
Metropolis
Tome 4/4
Série finie
Dessinateur : Stéphane De Caneva
Scénariste : Serge Lehman
Éditeur : Delcourt
Collection : Machination
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