Le côté Stanley Kubrick de l’illustration de couverture n’a échappé à personne. En revanche le titre un peu racoleur de ce recueil de nouvelles est très éloigné du plus intrigant titre original, Zero-Sum, qui fait référence au jeu à somme nulle ou non-nulle qui me semble en filigrane des histoires. Comme d’habitude le contenu fait oublier ce genre de petite ‘mesquinerie’… Joyce Carol Oates est une très grande auteure et je peux vous donner une raison à cette affirmation. Elle ne se contente pas de raconter une histoire aussi originale soit-elle, elle adapte sa manière de la raconter au récit. Exemple : la nouvelle intitulée Somme nulle qui ouvre le recueil, après être entré dans le texte faites attention au jeu des pronoms : Je et Il ou Elle… et vous verrez combien ce jeu renforce ce qu’éprouve le personnage principal… Je crois vous avoir déjà parlé de l’auteure en vous signalant une violence sourde dans ses écrits. Elle est encore là insidieuse dans Prenez-moi, je suis gratuit qui stigmatise les rapports entre une mère et son enfant. Mais elle est aussi ouvertement présentée dans le texte qui pour moi est le sommet du recueil. Monsieur pot de colle où des adolescentes fabriquent un piège à prédateur sexuel destiné à venger les jeunes filles mineures achetées-vendues-kidnappées-volées qui en sont devenues des proies. Bien sûr le piège fonctionne à merveille… Et l’histoire prend une étrange tournure que certains pourront critiquer comme amorale mais qui peut sembler logique. En fait, et ma recommandation habituelle de lire au compte-gouttes en sort renforcée, je crois que ces nouvelles sont des tentatives d’exorcisme de la violence qui est en nous. En imaginant et en racontant ce que cela peut donner poussé à l’extrême limite et en rendant le tout crédible, en nous hypnotisant (merci à la traductrice) l’auteure nous permet de prendre conscience de ce que nous pourrions être nous aussi : des monstres.
Bonne lecture lente pour constater que l’univers créé est captivant.
Monstresoeur
Auteure : Joyce Carol Oates
Editeur : Philippe Rey
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