Jack Kirby, créateur de personnages aussi emblématiques que Captain America, Hulk ou encore Ant-Man – dont le film solo sort cet été – est surnommé le « King » des comics. On vous avait déjà fait les louanges de son inventivité folle dans notre critique du Quatrième Monde. Autre création originale chez DC, sa courte série O.M.A.C., étirée en 1974 et 1975, est moins souvent retenue. Pourtant, on doit tenir là un des comics les plus atypiques de cette période.
Otto Ordinaire est un employé ordinaire d’une compagnie apparemment comme les autres. Son quotidien est chamboulé lorsque l’Agence Planétaire de la Paix (APP) le désigne, sans le consulter, pour être l’alias de l’O.M.A.C., l’Organisme Métamorphosé en Armée Condensée (traduction libre de One Man Army Corps). Sans crier gare, un satellite de surveillance inquiétant survolant en permanence la Terre peut dès maintenant foudroyer Otto d’un rayon puissant pour le transformer en agent de la Paix inarrêtable. Suivant les directives de l’APP, Otto explorera un monde dystopique où les vices de l’homme n’ont été qu’excités par les moyens technologiques fabuleux dont ils disposent.
O.M.A.C. est un comics qui suscitera émerveillement et effroi chez le lecteur. Émerveillement d’une part parce qu’il ne pourra s’empêcher d’être impressionné par la créativité folle de Jack Kirby, au top de sa productivité, qui glisse une flopée d’idées barrées dans chaque chapitre. L’ouverture du tome est déjà estomaquante : la première page montre une sorte de robot féminin démonté, avec les jambes placées au-dessus de la tête, qui répète « Coucou. Monte-moi et je serai ton amie. » Et là survient l’effroi : à l’avalanche d’idées bizarres qu’égrènent le monde d’O.M.A.C., Jack Kirby conjugue un sentiment de malaise et d’appréhension envers un futur possible qui ne fait guère envie. Alors certes, les guerres sont prévenues grâce à la vigilance du Satellite et du zèle de l’APP, mais est-il vraiment souhaitable de troquer d’occasionnels conflits contre une surveillance perpétuelle, doublée d’une soumission à l’arbitraire d’une Société inquiétante dont les membres sont dépourvus de visage ? De même, il y aurait quelque chose à critiquer dans leur méthode pour « recruter » Otto Ordinaire que l’APP prive littéralement d’existence.
Moins épique et moins gigantesque que Le Quatrième Monde, O.M.A.C. reste un excellent témoin de l’imagination prodigieuse de Jack Kirby, qui dessine les contours d’une dystopie qui évoque 1984 ou Le Meilleur des Mondes sans pour autant se décalquer dessus. On en ressort enchanté, avec un sentiment bizarre d’inconfort très jouissif. On regrette seulement que l’annulation prématurée de la série l’ai privé d’une fin à proprement parler.
O.M.A.C.
One-shot
Dessinateur et scénariste : Jack Kirby
Éditeur : Urban Comics
Collection : DC Archives
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