Le 29 janvier 1912, Henri Matisse et son épouse ont pris le bateau du port de Marseille pour rejoindre la ville marocaine de Tanger. Arrivés sur place, ils se sont installés dans le plus grand palace de la région, le Grand Hôtel Villa de France. Dans cet établissement luxueux, des touristes venus des quatre coins du monde se côtoient dans une ambiance feutrée et dépaysante. C’est l’endroit idéal pour un peintre en manque d’inspiration, car il est possible de s’y prélasser tout en profitant du climat agréable. Hélas, la météo n’est pas aussi favorable que le prévoyait l’artiste et c’est sous une pluie battante que Matisse, enfermé seul dans une chambre d’hôtel, esquisse ses premiers croquis marocains. Pour ce faire, on a convoqué d’urgence une jeune femme, chargée de poser pour lui. Zorah, prostituée locale intrigue le peintre français au point de devenir, provisoirement, sa muse. Une fois la tempête passée, la vie reprend son cours et Henri Matisse découvre les beautés de la région qu’il met en couleurs dans ses esquisses. Sa motivation est en partie retrouvée mais quelque chose manque encore pour qu’il redevienne aussi talentueux qu’il était auparavant. Désabusé de la vie, à la suite du décès de son père et lassé des rivalités parisiennes, Henri désire marcher sur les traces de son mentor, Delacroix…
Tanger sous la pluie met en scène les deux séjours que fit Matisse dans la ville portuaire marocaine. Ces voyages sont authentiques et plusieurs œuvres du maître en témoignent, mais le récit proposé est fictif. Cette bande dessinée de 120 pages nous présente quelques œuvres de l’impressionniste dans le contexte du moment. Le parcours difficile de Zorah est également captivant et ses épreuves tiennent le lecteur en haleine lors de la lecture de cette œuvre. Magnifiquement illustrée malgré un coup de crayon basique, on apprécie tout particulièrement, dans cette bande dessinée, l’expression des visages et les couleurs chatoyantes utilisées. L’histoire est cohérente et les personnages forts sympathiques.
Fan de BD, Fabien Grolleau a commencé sa carrière comme architecte. En 2003 l’auteur a participé à la création de la maison d’édition associative Vide Cocagne, puis en 2011, il a écrit et dessiné Le Masque du fantôme avant de scénariser d’autres séries et albums. Le scénariste a par la suite, illustré des collectifs et, en 2016, est sorti sous presse, son premier récit : Les ailes du monde. Fabien est également l’auteur des one-shots : Aux origines de Darwin (2018) et L’étrange voyage de R.L. Stevenson (2021). Né au Maroc, Abdel de Bruxelles a grandi en France avant de s’installer en Belgique, où il a étudié la BD. L’illustrateur de cette création a publié des dessins dans plusieurs revues spécialisées et au sein de projets collectifs. En 2007, il a imaginé le personnage d’Avril puis en 2014, il a signé le tome 1 de Dum. Le co-auteur a dessiné ensuite Le conflit israélo-palestinien de Vladimir Grigorieff (2017) et Dominos de Théa Rojzman.
Superbement illustrée, cette nouvelle bande dessinée envoûtante et émouvante dépeint parfaitement le Maroc du début du XXème siècle tout en ajoutant une touche d’humour et de poésie. Les sensations et tourments du peintre français sont tombés dans l’oubli mais les raconter, revient à les faire renaître.
Scénario : Fabien Grolleau
Dessin : Abdel de Bruxelles
Editions Dargaud
www.dargaud.com
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